Skier, randonner, rouler, visiter… toute cette agitation est avant tout un magnifique prétexte pour tout simplement être dehors, au contact de la nature. Les richesses naturelles sont la source principale d’attractivité touristique et récréative des territoires de montagne.
Mais plus largement, la responsabilité de ces derniers en tant que réservoirs de biodiversité est immense.
De par leur topographie, les montagnes sont les derniers lieux contenant de larges continuités écologiques dans une Europe qui continue de s’urbaniser. Nous devons y contenir l’artificialisation des sols, préserver les habitats naturels existants et en création, limiter la propagation des espèces invasives…tout en faisant notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour cela, créer des zones de tranquillité pour les tétras-lyre ne suffira pas…créer des aires protégées à côté desquelles on pourra s’autoriser à construire de nouveaux aménagements non plus… Peut-on trouver une autre voie qu’un éternel aller/retour entre sanctuarisation et surexploitation, qui a marqué l’histoire de l’aménagement de la montagne ? Comment, comme l’exprime Bruno Latour, « réconcilier le monde où l’on vit avec le monde dont on vit » ?
Ces derniers temps, on a trouvé de l’inspiration auprès des peuples indigènes avec Nastassja Martin, de scientifiques comme Jean-Baptiste Bosson, de l’espoir avec l’imagination combative d’Alain Damasio, et, avouons-le, de la colère devant l’immobilisme voire la mauvaise foi de notre gouvernement (👋 la France qui s'oppose à l'interdiction du chalutage dans les aires marines protégées) et de certains acteurs des territoires de montagne (« Ah non le Zéro Artificialisation Nette pour nous ça va pas être possible »).
Mais comme le dit Alain (et on est bien d’accord avec lui) : la vague de fond est là, et ces réactions en sont le ressac, violent certes, mais ce n’est « que » du ressac. Haut les cœurs, donc.
Quelques dates et événements-clés qui nous ont marqué en ouvrant nos livres d'histoire de la montagne :
En 1960, la Loi relative à la création des parcs nationaux ouvre la voie à la création du Parc national de la Vanoise en 1963, puis des Pyrénées en 1967. Aujourd’hui sur les 7 parcs nationaux français, 5 sont en zone de montagne et représentent 80% de la surface totale des parcs nationaux.
En 1972, le juriste Christopher Stone élabore la première théorie juridique des droits de la nature dans un texte fondateur, Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ? Ces arbres, des séquoias géants, sont menacés d’abattage par la compagnie Walt Disney pour construire une station de ski dans la Mineral King Valley en Californie.
En 1976, la Loi relative à la Protection de la Nature pose les bases de la protection de la nature en France, en donnant les moyens de protéger les espèces et les milieux. Elle instaure les études d’impact environnemental ainsi que la mise en œuvre de mesures compensatoires (les prémices du "éviter réduire, compenser”).
Lors du Discours de Vallouise le 23 août 1977, Valéry Giscard d’Estaing annonce que la montagne doit être “vivante, active et protégée”.
La Loi relative au développement et à la protection de la montagne (Loi Montagne) de 1985 acte le régime d’Unités Touristiques Nouvelles (UTN) pour les projets d’aménagement et d’urbanisme et l’obligation d’études d’impact environnemental pour les principaux ouvrages. L'article 76 de cette même loi interdit également l’héliski. Dans les 15 ans qui suivent, les gros projets d’aménagement sont souvent accompagnés de la création de zones protégées en “compensation”. On sanctuarise d’un côté pour aménager de l’autre : site classé du désert de Platé en Haute-Savoie (Flaine), réserve naturelle des Hauts de Villaroger en Tarentaise (Les Arcs), réserve naturelle de Tuéda aux Allues (Méribel), etc...
En 2017, une étude publiée dans la revue Nature révèle que plus de 50% des zones montagneuses du monde connaissent une perte de biodiversité due au changement climatique.
En août 2021, la loi Climat et Résilience fixe un objectif de « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) en 2050. Pour les élus de la montagne, cette loi n’est pas adaptée aux spécificités de la montagne. En octobre 2022, un projet de loi octroyant à la montagne un traitement différencié est présenté par une quinzaine de députés, demandant notamment à ce que les pistes de ski aménagées soient exclues du décompte de la consommation d’espaces.
En octobre 2022, pour éviter la propagation du virus de la brucellose en Haute-Savoie, l’État autorise l’abattage de 75 bouquetins non-marqués dans le massif du Bargy. Après 61 abattages et le combat des associations locales, la préfecture abroge son arrêté, laissant finalement la vie sauve aux 14 bouquetins restants.
En décembre 2022, la 15ème conférence des Parties (COP15) sur la diversité biologique se tient à Montréal. Objectif phare du texte : “que, d'ici 2030, au moins 30% des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones côtières et marines [...] soient efficacement conservées et gérées”. La restauration d’au moins 30% des écosystèmes dégradés est également prévue dans le texte.
Ice&Life : comprendre et protéger les écosystèmes glaciaires et post-glaciaires
Jean-Baptiste Bosson, glaciologue punk, a lancé en 2020 le projet Ice&Life, qui vise à développer une connaissance interdisciplinaire, ainsi qu’un cadre de protection et de gestion inédits, sur les glaciers et les secteurs désenglacés (marges glaciaires) dans le monde.
On vous partage cet entretien fleuve dont on est sortis émerveillés et gonflés à bloc.
Propos recueillis par Mathieu Ros Medina.
Biodiversité : COPs, état des lieux et enjeux globaux
En matière de prise en compte des enjeux de biodiversité à l’échelle internationale, on peut dire qu’on a grave de retard par rapport aux sujets climat… La crise climatique et la crise de la biodiversité sont cependant intrinsèquement liées, et s'influencent mutuellement.
Loïc Giaccone a décrypté pour nous les COPs, les principaux enseignements sur les facteurs directs de menaces sur la biodiversité, dont les impacts du changement climatique, et ce que cela veut dire pour la montagne.
Nastassja Martin : interagir avec les non-humains
En mars 2021, pour le premier opus des Passeurs, nous avions rencontré Nastassja Martin pour parler de nos relations aux non-humains.
À regret, nous avions dû tailler à la hache cet entretien passionnant pour respecter les contraintes de pagination de notre magazine papier. Deux ans après, les propos sont plus forts que jamais, et on profite du format web pour publier l’intégralité de cet échange entre Loïc Giaccone et Nastassja Martin.
—
#FLASH TURFU - Job Alert - 3 mai 2035
Médiateur animalier, Secteur Maurienne
Vos missions : au quotidien, vous assurez l’interface entre le monde animalier et les institutions humaines : traductions de langage animal, immersion terrain lors de médiation animaux / humains, constitution de dossiers de reconnaissance de droits et représentation juridique auprès des institutions et collectivités, sensibilisation auprès du grand public,…
Vous : femme ou homme de terrain, vous disposez d’une solide formation initiale en dynamique des écosystèmes, spécialisation communication animale, d’un Master en Droit de la cause animale, et d’une expérience réussie d’immersions de longue durée en milieu naturel en autonomie. La connaissance du diagnostic animalier local RCP0.21 (secteur Maurienne) est un plus.
Un grand merci aux élèves de 1ère du lycée de Bourg-Saint-Maurice, qui ont imaginé des métiers du futur avec nous en 2021 !
—
C’est quoi le ZAN (à part un célèbre bonbec) ?
C’est la loi Climat et Résilience d'août 2021 issue des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat qui instaure l'objectif de Zéro Artificialisation Nette (ou ZAN) à 2050 en France. Nous avons donc désormais une trajectoire chiffrée à mettre en œuvre d'ici à 2050. Concrètement, chaque territoire doit calculer combien il consomme d'espaces naturels et combien il redonne à la nature, et entre les + et les - arriver à zéro. Mais l’enjeu central n’est pas dans le calcul. Réussir le ZAN, cela questionne notre manière de faire, notre pratique de l'aménagement depuis toujours et notre relation au vivre ensemble et à nos besoins.
—
Tiers-lieux OBS - CREA Mont-Blanc
Depuis 25 ans, le CREA Mont-Blanc (Centre de Recherches sur les Écosystèmes d’Altitude), basé à Chamonix, est la seule ONG experte en écologie alpine qui a mis la science participative au cœur de sa démarche. On lui doit notamment l’Atlas du Mont Blanc, qui synthétise ses nombreux travaux de recherches avec des cartes, de la visualisation de données…
En 2025, le CREA ouvrira le premier tiers-lieu scientifique en montagne, ouvert à tous : l’OBS Mont Blanc (pour Open-Based Science). Il aura pour objectif de rassembler les scientifiques et le grand public qui s’intéressent aux effets du réchauffement climatique sur la biodiversité en montagne. Le projet recherche activement des entreprises et acteurs partenaires, prenez contact !
—
ORE ORE citoyen.ne.s !
Depuis plusieurs années, un dispositif de contractualisation permet à chaque citoyen de s’engager à participer à la préservation de l’environnement. L'Obligation Réelle Environnementale (ORE) permet aux propriétaires fonciers de protéger durablement leur terrain en y créant des engagements environnementaux contraignants pour les générations futures. Ces engagements peuvent porter sur la protection de la biodiversité, la gestion de l'eau, la préservation des paysages, etc… Participer à l'ORE est une manière concrète et efficace d'agir. C'est une initiative qui permet à chacun de contribuer à la préservation du vivant, peu importe la taille de son terrain. Alors n'hésitez pas à vous informer sur l'ORE et à participer à cette action collective en vous rapprochant du Conservatoire d’Espaces Naturels le plus proche de chez vous !
2 millions de dollars : c’est la valeur « écologique » d’une baleine, celle des services écologiques rendus par son existence. 1 trillion de dollars (mille milliards) pour toute leur population. Adrienne Buller expose la logique autodestructrice et profondément injuste des réponses financières aux problèmes environnementaux de type crédits carbone, croissance verte… et nous questionne au final sur ce à quoi nous accordons réellement de la valeur.
Nastassja Martin nous emmène auprès des Evènes, peuple nomade éleveur de rennes, sédentarisé de force pendant l’ère soviétique.
Depuis, certains ont repris le chemin de la forêt et se sont réapproprié leurs mythes, leur mode de vie en harmonie avec les non-humains, dans un monde qui n’a pourtant plus rien d’originel.
Passionnant et plein de leçons pour nos propres sociétés.
49.3 oblige, l’actualité a largement effacé la parution de l'ultime rapport de synthèse du GIEC. Merci à Vert le média pour ce résumé. Une phrase à retenir : « les choix et les actions mis en œuvre au cours de cette décennie auront des répercussions aujourd’hui et pendant des milliers d’années ». À lire et à opposer à l’ignorance, au doute et à la mauvaise foi.
Au cours du siècle dernier, 80% des forêts primaires de la planète ont été abattues.
Arnaud Hiltzer, producteur et citoyen engagé de la série vidéo Into the rewild, nous emmène à la rencontre de Francis Hallé pour son projet de (re)créer une forêt primaire en Europe de l’Ouest pour les 1000 prochaines années !
Qu’ils soient soyeux ou gluants, mignons ou repoussants, les êtres vivants qui composent la biodiversité n’existent pas pour nous faire plaisir. L'importance d'une espèce dans l’écosystème n’a rien à voir avec sa beauté, et ces préjugés peuvent même s'avérer dangereux pour notre planète. Un super podcast par L’Envert du décor.
Serena et son mari George Pemberton, exploitants forestiers mégalos, sont prêts à tout pour empêcher la création d’un parc national sur leurs terres… Une action au cœur d’une nature menacée, hostile, ponctuée de morts de bûcherons (c’est rude comme métier), de meurtres faciles et de manipulations, dans la Caroline du Nord des années 30. Un roman marquant qui explore l’époque de la création des parcs nationaux aux US.
Le maître français de la science-fiction, dans cet entretien de 40 minutes avec Paloma Moritz pour Blast, nous explique comment les récits sont des outils de transformation puissants et concrets pour nos sociétés. Damasio manie les mots pour nous marquer et nous proposer des « luttes enviables ». Du grand art.
Un des meilleurs podcasts du moment sur la biodiversité, proposé par le Muséum d’Histoire Naturelle et ses scientifiques, qui nous aide à mieux comprendre le vivant pour mieux le protéger. Un large éventail de sujets sont abordés, parfait pour consolider sa culture générale ! A mettre dans toutes les playlists.
Pour en apprendre plus sur les insectes et petites bestioles qui peuplent nos jardins ou nos forêts, ce podcast de France Inter est une référence, qui permettra à vos bambins (et à vous même) de mieux connaître et donc mieux protéger la biodiversité qui nous entoure.
Une mine d’informations et un excellent référentiel dans cet atlas publié par le Ministère de la Transition Écologique en 2019. Massif par massif, des données cartographiées sur les stations de ski et leurs communes support concernant l’emprise touristique, la consommation d’eau et d’énergie, l'artificialisation des sols, les aires protégées…
Ont contribué à cette newsletter : Jean-Baptiste Bosson, Laureline Chopard, Jérôme Folliet, Anne Gallienne, Loïc Giaccone, Thibault Liebenguth, Christophe Peter, Antoine Pin, Camille Rey-Gorrez, Mathieu Ros Medina, Stewart Sheppard, Anne Turpin-Hutter, Johanne Vallée