Un scénario de design-fiction initialement publié dans le numéro 1 du magazine Les Passeurs, Vivre en montagne après 2020
RÉSUMÉ DE LA LOI SUR LES CRÉDITS ESPACE-TEMPS DE 2045
• Des crédits ont été créés pour limiter les dépenses énergétiques liées aux déplacements et favoriser le local et la sobriété.
• On a réduit la distance annuelle autorisée à 10 000 km par an (contre 20 000 dans la loi précédente).
• Impossibilité de se déplacer pour des temps courts (1 jour, 1 weekend, 1 semaine). Il faut « habiter », contribuer à la vie du lieu : 25% du crédit-temps doit être consacré au territoire sur lequel on vit.
• On peut postuler pour aller vivre sur un autre territoire pour une période de 3 à 9 mois, une fois tous les 3 ans : on est sélectionné selon son métier, sa motivation, ce qu’on peut apporter au territoire. Les personnes « extérieures » qui viennent sur un territoire sont appelées les fifty/fifty.
LE SCENARIO
Pascale est enseignante à distance en anthropologie de la décroissance à Harvard Europe, elle a choisi de revenir à Saint-Lary-Soulan pour 9 mois avec ses enfants, et consacre son crédit temps local (20h/semaine) au maraîchage.
Ici il n’y a plus vraiment de touristes : on vient vivre pendant un certain temps sur le territoire et on y contribue à sa manière.
Les enfants suivent un tronc commun en téléenseignement et un programme adapté à chaque territoire en présentiel. Ici, à Saint-Lary, on apprend entre autres à s’alimenter avec les plantes de montagne et, pour les plus âgés, à installer une microcentrale hydroélectrique. En changeant d’environnement, enfants comme adultes apprennent à vivre de manière plus adaptée au territoire : camper ou cueillir en montagne, se protéger de la pollution sonore ou se déplacer en trottinette électrique en ville.
De nouvelles relations se créent entre locaux et fifty/fifty : on invente de nouvelles formes de rencontre, la communauté se réadapte au fil des arrivées et départs des uns et des autres et s’enrichit en même temps. Les fifty/fifty créent de la valeur non plus par leurs dépenses sur le territoire (comme c’était le cas avec le tourisme jusque dans les années 20), mais avec ce qu’ils y apportent : compétences, temps de travail, matériel… De nombreuses plates-formes permettent de mettre en relation les visiteurs et les territoires, les uns définissants leurs compétences, apports et motivations, les autres leurs besoins et points d’attractivité.
Cette nouvelle façon d’habiter et vivre sur les territoires permet progressivement de franchir le fossé culturel historique entre ville et montagne et par la même occasion d’améliorer la compréhension mutuelle de visiteurs-habitants tour à tour montagnards et citadins.
L’OBJET TOTEM
Le Bu®Ar, présent dans toutes les communes de plus de 1 000 habitants : une pièce spéciale dédiée à la communication en réalité augmentée, il y en a dans toutes les mairies, un peu comme les anciens bureaux de Poste, mais aussi dans certains immeubles cossus.
POURQUOI ÇA INTERPELLE ?
→ Parce que ce scénario est le seul qui a émergé de TOUS les groupes ayant participé au design fiction. Il est avant tout le reflet des aspirations du moment : passer d’un tourisme de consommation à un tourisme d’échanges voire de contribution, redéfinir la notion d’hospitalité, penser le temps long et la proximité, changer de vie pour un moment, vivre plus en harmonie avec son milieu.
→ Parce que le crédit-carbone, ça risque bel et bien d’exister, et les voyages de longue durée aussi : on ne partira plus « en vacances », mais passer du temps à un endroit où on voudra à la fois travailler, visiter, rencontrer d’autres personnes, contribuer à la vie locale. Il peut être intéressant de repenser et adapter des offres et aménagements en conséquence : espaces de télétravail, lieux d’enseignement, participation à la vie commune, hébergements.