We are back : le topo des Passeurs n°1 !
Les Passeurs envoient leur première lettre de nouvelles électroniques ! Pour un collectif qui avait juré sur le papier (sans cracher), c’est presque une surprise !
Mais c’est surtout une belle extension de nos travaux et pensées qui nous permet de partager, avec régularité (on l’espère) et légèreté (on le souhaite) les infos et les sujets qui nous interpellent. L’occasion aussi de permettre au collectif, qui s’élargit et fait évoluer son mode de gouvernance, de se chauffer sur ce format, avant pourquoi pas de relancer la production d’un numéro papier ? Bonne lecture. We. Are. Back.
Dans le rétro
On vous avait promis un numéro 3 sur l’eau, il faudra attendre un peu… Même si au vu des quelques mois écoulés, c’est un sujet plus brûlant que jamais. Retour sur un court échantillon des évènements des derniers mois, qui nous laisse avec un sentiment d’accélération sans précédent et sûrement un avant-goût de ce que sera notre quotidien dans 20 à 30 ans :
1er juillet : fermeture du glacier de Tignes aux skieurs, avec 1 mois d'avance.
18 juillet : fermeture anticipée de 2 mois du refuge du Col du Palet dans le parc national de la Vanoise, par manque d'eau de source.
19 juillet : la préfecture de Haute-Savoie interdit l'arrosage des potagers individuels, mais autorise l'arrosage des golfs, avant de redresser fin juillet.
28 juillet : les stations de Zermatt et Cervinia ferment à leur tour leurs glaciers.
30 juillet : le lac de Serre-Ponçon est à -13 m de sa cote moyenne.
2 août : confrontés à la sécheresse des alpages, les éleveurs des Bauges songent à faire descendre leurs bêtes.
3 août : le village de Gérardmer dans les Vosges est privé d'eau potable au robinet pendant 48h.
22 octobre : la fédération internationale de ski annonce l'annulation des descentes hommes et femmes de Zermatt-Cervinia en raison du manque de neige.
25 octobre : après des semaines de contestation et d'occupation des lieux, le juge des référés suspend l'arrêté préfectoral autorisant le début des travaux pour la construction d'une retenue collinaire sur la commune de La Clusaz.
13 novembre : faute de neige (et de froid pour en produire), Val Thorens et Val d'Isère annoncent le report de leur ouverture.
17 novembre : après être descendu à -17 mètres le lac de Serre-Ponçon remonte à -13m de sa cote moyenne.
L'eau vient à manquer et cela ne fait que commencer…
L'inexorable extinction des dragons des cîmes : entretien avec le glaciologue Simon Gascoin
Simon Gascoin est chercheur au CNRS depuis 2011, affecté au laboratoire "Centre d'Études Spatiales de la Biosphère" (CESBIO) à Toulouse. Hydrologue de formation, il se spécialise dans le traitement d'images satellite pour l'étude des glaciers et de leur environnement. Ça faisait longtemps qu'on voulait lui parler de cet état de l'eau qui se forme sur les plus hautes montagnes et disparaît inexorablement.
Billet d'humeur : la croisée des chemins permanente
La croisée des chemins permanente
Avec le nouvel été (et automne) chaud et sec que nous venons de vivre, les discours autour de la situation environnementale se polarisent autour de deux pôles distincts, histoire de bien animer les déjeuners en famille. Le premier relativise fortement la gravité des phénomènes en cours (« on a déjà connu ça, on s’adaptera facilement »), quand l’autre penche pour un profond fatalisme (« tout est foutu, il est trop tard pour agir »).
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Capture d'écran du turfu
2028.
Barrage fermé. Les habitants de Gavarnie ont voté, le barrage d'Ossoue ne fournit pas d'eau agricole cet été. Dans un revirement qui a créé la surprise, plus de 70% des 843 habitants de la commune se sont rendus aux urnes, pour refuser à une grande majorité (57%) la proposition soutenue par EDF et la FNSEA qui aurait porté le prix du m3 à plus de 100€, une première en France. Jean-Karim Compagnet, président de l'Organisation Populaire des Eaux Pyrénéennes, s'est félicité de cette « victoire pour les habitants humains et non-humains du lac, du gave d'Ossau, de la vallée, et des Pyrénées ».
→ Want more? Lire le scénario “Les Maîtres de l’eau” des Passeurs #1
Design Fiction : Les Maîtres de l'eau
2057. Après 5 années successives de sécheresses entre 2030 et 2035 qui ont fait baisser drastiquement les rendements agricoles et obligé à l’abattage de nombreux cheptels, une crise alimentaire sans précédent a balayé l’Europe. Trouver de l’eau et la conserver est devenu un enjeu stratégique.
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Le design fiction du Shift Project sur la gestion de l'eau en montagne.
Cet exercice est à découvrir dans le rapport sur la Résilience des Territoires publié en octobre dernier. Le célèbre think tank explore deux futurs possibles pour la gestion de l'eau en montagne : un scénario Business as usual, qui colle fortement à l'actualité, et un scénario Un autre futur est possible imaginant une nouvelle gestion collective de l'eau.
"L'ambiance était morose hier soir au conseil municipal de Pic la Montagne. Gérard d'Amont, édile de la commune de 1 000 habitants permanents (10 000 touristes en hiver) était bien ennuyé pour présenter la situation. Plus d'eau pour fabriquer la neige de culture !"
→ La suite à lire en pages 116 et 117 du rapport du Shift Project
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Canicule, sécheresse et après ?
Les événements climatiques « extrêmes » impactent-ils notre niveau de sensibilisation et d'action ? Ça se discute. Selon une étude BVA d'août 2022, 21 % des Français déclarent avoir pris conscience que le changement climatique pouvait déjà avoir des effets dans notre pays, et s'ajoutent à 66 % qui en étaient déjà conscients. En revanche pour François Gemenne, membre du GIEC, l'été 2022 ne sera pas un tournant, pas plus que celui de 2021 : soit les événements climatiques seront violents mais ponctuels, et les gens reviendront rapidement à leurs habitudes, soit la hausse des températures sera continue et les gens ne prendront pas la mesure du changement.
On vous laisse vous faire un avis.
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Migration assistée des arbres
L'accélération des sécheresses impacte nos forêts. En plus de cramer de plus en plus souvent, certaines essences deviennent inadaptées à leur habitat du moment. Malheureusement, la capacité de migration "naturelle" d'une essence d'arbre est en moyenne de 2 à 3 kilomètres tous les 10 ans (contre 60 km pour un cervidé). Le projet RENEssences, coordonné par l'Office National des Forêts, vise à créer des "jardins" forestiers expérimentaux, qui rassemblent des essences et provenances locales et nouvelles, pour étudier leur adaptation génétique au changement climatique. Assister un peu la nature en plantant des îlots de cèdres en Haute-Savoie fait débat, mais cela semble nécessaire pour tenter de pallier la lenteur du temps forestier.
Cet épisode du podcast du Monde est consacré aux sécheresses, avec l'hydro-climatologue Florence Habets, spécialiste de la ressource en eau en France. Ça dure 40 minutes et c’est très intéressant. A écouter en arrosant son jardin.
Un très beau témoignage dans le podcast Les Baladeurs, comme souvent très bien ficelé et parfaitement réalisé. Camille raconte sa traversée en voilier vers l’Islande à la rencontre de glaciologues, et au passage trouve un sens à sa mission.
Valérie Masson-Delmotte, vice-présidente du GIEC, a sensibilisé durant 30 min (!) le gouvernement aux enjeux climatiques le 1er septembre. A retenir : « la charge mentale de l’action pour le climat ne doit pas être du ressort des scientifiques, ou des plus jeunes, elle doit augmenter avec le niveau de responsabilités, et vous avez des leviers d’action critiques. » À bons entendeurs…
Grand visionnaire s'il en est, Jean-Claude Van Damme, dès 2011, annonçait des pénuries d'eau. Retrouvez ses révélations dans l’article ci-dessous, dans un roman photo - un peu moisi - qu'on a fait pour faire plaisir au DA qui voulait pas qu'on vous envoie directement sur la vidéo parce que le streaming pollue (c'est pas faux).
Ont contribué à cette newsletter : Laureline Chopard, Anne Gallienne, Jérôme Folliet, Loïc Giaccone, Olivier Gough, Thibault Liebenguth, Antoine Pin, Mathieu Ros, Stewart Sheppard, Anne Turpin-Hutter, Christophe Peter